mardi 25 mars 2014

IL Y A PRÈS DE DEUX SIÈCLES ... LA POTERIE








Faïence Farrar

 En 1944, le chroniqueur Jean Frédérick se souvient dans les pages du Canada Français que Saint-Jean demeure un important centre de poterie.

Il souligne que la compagnie « Standard Clay Products », toujours en exploitation à l'époque, date de 1884 et qu’elle a su s’adapter aux fluctuations du marché en proposant désormais de la tuyauterie de grès.

Mais, comme un fait obligé, c’est aux frères Farrar que l’hommage le plus senti est adressé.

C’est en 1840 qu’arrive à Saint-Jean-Iberville, la famille Farrar du Vermont.  

Très peu habitée, à l’époque, la commune permet l’implantation dans un presque désert. 

La famille introduit alors une technique inconnue localement : la production de la terre cuite vitrifiée. 

Soucieux de valoriser les ressources environnantes, les Farrar préparent leur pâte à partir d’un mélange de terre importée de Trenton, au New Jersey, et de la glaise grise locale.

L’impact industriel et démographique est capital.  On vient de loin, désormais, s’installer auprès de l’usine dans l’espoir d’y trouver de l’emploi.  La construction résidentielle prend un élan formidable.

Saint-Jean en 1881

Par ailleurs, le succès commercial étant indéniable, d’autres entreprises s’installent pour profiter de la vogue de la poterie.


Saint-Jean devient le plus grand centre de faïencerie industrielle du Canada et 65 manufactures s’y succèdent.

La plus importante fut, de loin, la St. Johns Stone Chinaware Company qui produisait notamment un ensemble de vaisselle de porcelaine bleue, l'un des plus beaux du XIXe siècle.

L’usine disparut dans l’incendie du 4 mars 1893 qui emporta aussi le collège de Saint-Jean.

Rachetée, l’entreprise ferma définitivement ses portes en 1899, signe que le marché se resserrait de plus en plus..

En 1927 s’éteignait, avec le dernier des frères Farrar, la longue tradition de production de grès dans le Haut-Richelieu.



mardi 18 mars 2014

SOLIDARITÉ ET COLONISATION





En 1934, le Québec souffre.  Il est encore sous le coup de la grande Crise économique qui secoue tout l’Occident.

Timide, le gouvernement n’offre que peu de solutions pour soulager la misère et s’en remet aux initiatives des bonnes volontés.

C’est ainsi que le 15 mars 1934, le Canada Français nous annonce la naissance du Comité de colonisation, comité créé conjointement par la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal et par l’UCC (Union Catholique des Cultivateurs, ancêtre de l’UPA).

Ce nouvel organisme, horrifié par les conditions de vie misérables auxquelles sont réduites de nombreuses familles canadiennes-françaises, se propose de les aider à s’installer sur des terres agricoles qui leur permettront non seulement de se nourrir, mais aussi de contribuer à l’économie du Québec plutôt que d’en dépendre.

Mais, comme d’habitude, pour aider ces pauvres gens il faudra des sous.

On mise donc sur la description de la difficulté de l’entreprise pour stimuler la générosité citoyenne.



Le comité propose donc de relancer le mouvement de retour à la terre, mouvement si puissant au 19e siècle, mais un peu délaissé au tournant du 20e.


Notons en passant que le comité est porté par des personnes prestigieuses.
 
Paul Gouin
Son président est Paul Gouin lui-même.

Paul Gouin est le fils du premier ministre Lomer Gouin, petit-fils d’Honoré Mercier et fondateur du parti politique Action libérale nationale qui aura de solides démêlés avec Maurice Duplessis et son Union nationale...



 Le conseil d'administration du Comité compte beaucoup d’autres célébrités, dont nous nous contenterons de mentionner Esdras Minville, professeur à l’école des Hautes Études Commerciales et l’un de nos plus grands économistes.
 
Esdras Minville
Appuyé par le clergé catholique et décidé à appliquer la doctrine sociale de l'Église, le nouveau mouvement dispose donc de solides atouts.

Peu étonnant, dans ces conditions, que le Canada français ait consacré une bonne partie de sa Une à une structure aussi conséquente.

mardi 11 mars 2014

LE PONT GOUIN



                                                                                                                                                  BANQ

Construit deux ans après la fin de la première guerre mondiale, le vénérable pont Gouin aura connu son lot de controverses.

Alors que les autorités s’apprêtent de nos jours à le remplacer par un ouvrage d’art plus moderne, elles s’interrogent sur la nécessité ou de le démolir ou de le conserver à des fins piétonnes et culturelles.

Ce n’est pas la première fois, cependant, qu’il se trouve au centre des préoccupations et inquiétudes des édiles et des citoyens.

Il y a 60 ans déjà, le 18 mars 1954, dans les pages du Canada Français, le chroniqueur Jean Frédérick s’en prenait à la lenteur de Québec dans le dossier du remplacement du pont.

Sa dénonciation était d’autant plus cuisante que les crédits nécessaires pour le pont entre Chambly et Richelieu étaient votés, eux...

Pourtant, il ne faisait aucun doute à ses yeux que le remplacement du pont était urgent.
Construit, en 1916, alors que la population desservie ne dépassait guère 11 000 personnes, il devait désormais répondre aux besoins incessants d’une agglomération de 28 000 personnes, personnes beaucoup plus motorisées qu’au début.

Il voyait en plus converger sur lui 5 routes nationales et internationales, ce qui faisait grimper encore davantage le taux d’utilisation.

                                                                                                                                                                                                             BANQ


Bref, la nécessité d’un nouveau pont ne faisait aucun doute et  c’était tellement évident pour tout le monde que, depuis 1942, le nouveau pont avait fait l’objet de promesses formelles lors de toutes les élections...

Mais... il fallait s’entendre sur l’emplacement de la future structure.

En aval, vers le pont du Canadien Pacifique?  Mais les touristes américains y passeraient tout droit sans rien voir de Saint-Jean.

Resterait alors le pont du Central Vermont...

Comme il le disait il y a 60 ans, ce n’était qu’une suggestion.

Nous savons, en 2014, quel sort a été réservé à cet avis.


                                                                                                                                                                                 Canada Français


mardi 4 mars 2014

LE CANADA-FRANÇAIS : D'ORGANE PARTISAN À MÉDIA GÉNÉRALISTE









Au 19e siècle, les journaux québécois sont d’abord et avant tout des feuilles d’opinion publiées par les partis politiques, ou par des factions au sein de ces formations.

C’est ainsi que l’ancien premier ministre Adolphe Chapleau, transfuge à Ottawa, avait créé La Presse, en 1884, pour faire pièce aux journaux que son collègue et ennemi Hector Langevin avait lâchés contre lui pour lui reprocher de venir pêcher dans la même mare aux prébendes que lui...

Honoré Mercier lui-même avait eu recours au même procédé.  Excédé d’être attaqué sur sa gauche par La Patrie d’Honoré Beaugrand, il s’était allié à Félix-Gabriel Marchand pour fonder Le Temps, un journal libéral qui se voulait modéré.

Le Temps n’aura qu’une existence éphémère, mais Marchand attrape la piqûre.

 
Félix-Gabriel Marchand

Le 6 juillet 1893, lui qui deviendra premier ministre du Québec 4 ans plus tard, fonde Le Canada Français afin de répondre à la propagande conservatrice véhiculée par le Franco-Canadien dans les comtés électoraux de Saint-Jean, d’Iberville et de Napierville.



Le journal réussit si bien qu’il parvient à acheter le Franco-Canadien en octobre 1895 et pendant 70 ans, à partir du 25 octobre 1895 jusqu’en 1964, la publication portera la double appellation.

Mais bien avant cela, les journaux partisans, les uns après les autres, cèdent le pas aux grands journaux d’information imités du modèle étatsunien.

Pour sa part, le Canada français semble éprouver de plus en plus de difficultés à trouver des clients et des abonnés.  Il s’en remet même à la poésie pour recruter la clientèle.



Et toujours en 1937, donc deux ans avant la 2e Guerre Mondiale, le journal annonce que dorénavant il ne sera plus un journal de parti, mais un « hebdomadaire dévoué aux intérêts de toute la région».

Même s’il a cessé de se référer au Franco-Canadien dès 1964, l’hebdomadaire fait quand même remonter à la naissance de cette publication, en 1860, sa propre fondation.

Ceci lui permet d’avouer l’âge vénérable de 154 ans et de se proclamer le deuxième plus ancien journal de langue française en Amérique du Nord (fondé en 1853, le Courrier de Saint-Hyacinthe est le plus ancien).

Très longtemps, le journal a fait miroiter son indépendance, se disant très fier de n’être affilié à aucun grand groupe de presse et il s'est voulu le «média de référence» pour tout le Haut-Richelieu.

Le premier août 2011, une nouvelle ère s'est ouverte alors que les 3 actionnaires de la publication annonçaient avoir passé le flambeau au conglomérat Transcontinental...

L'avenir nous dira quelle mission la nouvelle organisation compte réserver au journal.