mardi 29 avril 2014

L’HEURE LÉGALE




Le Québec a longtemps laissé la plus haute fantaisie s’installer en matière de détermination de l’heure légale.

Divers décrets et diverses lois ont été adoptés au fil du temps, mais en général ces efforts législatifs ont plutôt compliqué les choses.

Dès la fin du 19e siècle, l’habitude s’est prise de diviser le territoire du Québec en deux zones horaires de part et d’autre du 68e degré de longitude ouest. 



À l’est de cette ligne, on appliquait l’heure normale de l’Atlantique tandis qu’à l’ouest on appliquait l’heure normale de l’Est...


Aucune loi n’imposait cette division, mais cela allait à peu près pour l’heure normale.

En revanche, l’habitude s’était aussi prise d’avancer l’heure durant certaines périodes de l’année, en principe pour des raisons d’économie, et c’est en ce domaine qu’une belle anarchie a régné.

C’est ainsi que dans les années 1930, ce sont les municipalités qui décident quand commence et quand finit la saison de l’heure avancée.


Dans le Canada Français du 19 avril 1934, la « Cité de Saint-Jean, Qué. » annonce que, dans son territoire, l’heure sera avancée à compter du 29 avril courant et reviendra à la normale le 30 septembre suivant.

Il est à noter que le changement d’heure prend effet à minuit et une minute le dimanche – et non le samedi comme de nos jours.

Il est à noter aussi que les dates de changement d’heure n’étaient pas les mêmes dans toutes les villes et villages, ce qui entraînait de la confusion et nombre de contestations.

Durant la 2e guerre mondiale, Ottawa allégua la loi martiale pour imposer un régime horaire uniformisé pour tout le Canada, mais se désintéressa de la chose, la paix revenue.

La question revient à l’avant scène au Québec lorsque le gouvernement Lesage se dépêche d’adopter la «Loi sur le temps réglementaire», avant qu’Ottawa adopte sa propre loi.

Par un amendement adopté en 1969, Québec choisit désormais le 63e degré de longitude ouest  plutôt que le 68e comme méridien de référence.

La question de l’heure a connu d’autres avatars jusqu’en 2006, année d’adoption de la « Loi sur le temps légal (L.Q. 2006, c. 39) », loi qui nous régit présentement.


Cette loi a été adoptée pour aligner notre régime horaire sur celui des États-Unis.

Dorénavant, la période de l’heure avancée débute le 2e dimanche de mars et se termine le 1er dimanche de novembre.

Par ailleurs, la loi ne se réfère plus au « temps moyen de Greenwich », mais plutôt au Temps Universel Coordonné (TUC), c’est-à-dire le temps tenu par un réseau international d’horloges atomiques dont la fiabilité ne se discute plus.


mardi 22 avril 2014

LA RÉCUPÉRATION NATIONALE




Nous sommes bien habitués maintenant à récupérer tout ce qui, dans nos déchets, peut resservir et nous participons volontiers à ce recyclage de matières utiles.

De nos jours, la motivation derrière cette activité est à la fois écologique et économique.

Écologique, car en recyclant le papier nous épargnons nos forêts et en recyclant nos métaux et nos matières plastiques nous protégeons notre sol et notre sous-sol.

Économique, car il en coûte souvent moins cher de réutiliser des matériaux déjà extraits que d'en extraire de nouveaux, souvent situés dans des endroits éloignés et difficiles d'accès.

Nous avons toutefois oublié qu’il y a près de trois quarts de siècle – durant la Seconde guerre mondiale – les autorités ont fortement poussé sur le recyclage, mais cette fois-là pour des raisons plus terre à terre : le manque de matières premières.

L’effort de guerre lui-même consommait en effet une très forte proportion de ces matières premières et n’en laissait que fort peu pour répondre aux besoins quotidiens de la population.

Un organisme pan-canadien fut donc créé pour organiser la récupération de tout ce qui pouvait resservir.

Au Québec, l’agence « La Récupération Nationale » fut confiée à Robert Charbonneau et des antennes furent crées dans nos plus grandes villes.

Saint-Jean n’est pas en reste et s’est dotée d’un comité local dirigé notamment par Maurice LeSieur,  qui a été président de la Chambre de Commerce en 1942-43.


En avril 1945 – quelques mois avant la fin officielle de la guerre, en septembre – les besoins en papier se font criants et les usines sont aux abois.


Un appel pressant est alors publié dans les journaux et notamment dans le Canada Français.

Le ramassage était déjà prévu...

mardi 15 avril 2014

BOTREL CHEZ NOUS





Il y a un peu plus d’un siècle, le célèbre barde breton Théodore Botrel (Jean-Baptiste-Théodore-Marie Botrel, 1868 - 1925) venait nous rendre visite à Saint-Jean.

Associé au mouvement de la BONNE CHANSON opposé aux grossièretés et vulgarités en vogue dans les cafés-concert de l’époque, Botrel a connu un immense succès tant en France qu’au Québec avec des chansons comme «La Paimpolaise»[1], «Par le petit doigt» et «Le Mouchoir rouge de Cholet».


En 1900, il s’avise que le héros breton Jacques Cartier, découvreur du Canada, n’a encore pas sa statue à Saint-Malo.

Il décide tout de go de lancer une campagne de souscription, campagne qu’il viendra compléter chez nous du 14 avril au 27 mai 1903.


Il visite bien sûr Montréal et Québec, mais il vient aussi à Saint-Jean où il ne se prive pas d’une petite excursion sur le Richelieu...

Très apprécié par le clergé catholique, il reçoit invitation sur invitation et il en accepte quelques unes...

Botrel réussit son pari d’amasser l’argent voulu pour Cartier tout en nous berçant.

Le 23 juillet 1905, le monument est inauguré  à Saint-Malo.

  
L’événement a un tel retentissement que notre historien national Lionel Groulx, alors jeune étudiant en Suisse, fait le détour jusqu’à la résidence du poète à Port-Blanc, en 1908, pour le féliciter.

Toujours dans la foulée de ce succès, Québec voudra aussi  posséder un monument à la gloire de Cartier. 

Une copie fidèle est commandée et, le 17 octobre 1926, la statue est dévoilée dans le faubourg Saint-Roch.

Entretemps, Botrel sera revenu chez nous en 1922, mais sans connaître le même succès que la première fois.



[1] http://www.youtube.com/watch?v=3-YIkpO799M

mardi 8 avril 2014

ALBERT LOZEAU (1878-1924)




Saint-Jean n’a pas attendu Rina Lasnier pour goûter profondément la poésie de chez nous.


Le Canada-français en a administré une preuve éloquente – le 3 avril 1924 – en publiant un éloge éclatant à l’occasion du décès du célèbre poète Albert Lozeau, décès survenu le 24 mars précédent.  


Comme l’on sait, Albert Lozeau a été cloué à son lit de malade dès l’enfance, atteint qu’il était par le mal de Pott, c’est-à-dire une forme de tuberculose se jetant sur sa colonne vertébrale plutôt que sur ses poumons.

La poésie lui offre une voie d’évasion fort appréciable.

Comme il le note dans la préface de son premier recueil – L’Âme solitaire : 

« Je suis resté neuf ans les pieds à la même hauteur que la tête : ça m'a enseigné l'humilité. J'ai rimé pour tuer le temps, qui me tuait par revanche ».
Paru en 1907, ce recueil a connu un accueil sans précédent et a été réédité dès l’année suivante.

Un poète célèbre nous était né, dont la notoriété dépassait largement les petits cercles d’initiés montréalais.

L’éloge funèbre publié à Saint-Jean l’a été par quelqu’un de ses intimes, mais qui n’a pas signé.


Que le Canada -Français ait inséré cette célébration dans ses pages indique assez cependant que la poésie avait déjà droit de cité dans notre région.