mardi 29 juillet 2014

UN COUP DE FEU...




L’hiver 1608-1609 a été particulièrement dur et long aux alentours de la petite bourgade de Québec.

Le froid a été vif et la neige rare, ce qui a rendu à peu près improductive la chasse au gros gibier.

La disette a sévi chez les Montagnais installés dans le voisinage et a tué ou invalidé la presque totalité du petit groupe de Français qui avait choisi d’hiverner dans le fort construit l’été dernier en face de l’étranglement du grand fleuve.

Le commandant Samuel de Champlain a, pour sa part, conservé tous ses moyens, car, quel que fût le temps, il s’était forcé à sortir à l’extérieur tous les jours.

Mâchouillant un morceau d’écorce ici, avalant un bout de branchette là, il avait réussi à se prémunir contre le scorbut qui avait décimé son groupe.

Durant ces excursions, et durant ses moments de loisirs, il avait eu tout le temps de songer à l’avenir qu’il souhaitait pour la colonie de peuplement qu’on l’avait chargé d’implanter.

Il avait une vision très claire de tout cela, basée totalement sur la nécessaire amitié à entretenir avec les peuplades autochtones sur place.

Cela avait bien réussi, jusque là, avec les peuples nomades parlant des langues dérivées de l’algonquin, mais cela s’était heurté au refus net et violent des tribus iroquoises.

Celles-ci étaient universellement honnies par les Algonquiens et même par les Hurons en raison des attaques constantes et cruelles qu’elles infligeaient à tous.

Champlain avait néanmoins à de nombreuses reprises tenté des approches diplomatiques, libéré des prisonniers en les chargeant de messages d’amitié et essayé de nouer des relations commerciales.

Tout avait échoué.  Alors Champlain s’est résolu à suivre une autre voie.

Il se rendrait à la demande instante de ses alliés montagnais et participerait à une expédition militaire contre les Iroquois.

Non pour les punir.  Non pour les exterminer.  Non pour leur infliger des dommages irréparables, mais simplement pour leur montrer que dorénavant, les attaques contre les Français et leurs alliés deviendraient beaucoup plus coûteuses.

Au début du mois de juillet 1609, il s’engage donc avec sa troupe dans la Rivière des Yroquois (notre Richelieu), premiers Européens à remonter ce magnifique cours d’eau.

Déjà, des centaines de guerriers autochtones ont déserté et, arrivés aux chutes en amont du bassin de Chambly, ce sont des Européens qui sont renvoyés à Québec.

Ils ne sont plus que 3 Français et une soixantaine d’Amérindiens, mais Champlain montre une telle détermination qu’ils poursuivent leur chemin.

Le 14 juillet, ils arrivent au grand lac et Champlain, mettant en pratique une coutume immémoriale, lui donne son nom.

Tout l’éblouit dans ce paysage : la vaste étendue du lac lui-même, la multitude d’îles boisées piquant sa surface, l’abondance du gibier, la splendeur des Montagnes Vertes et des Adirondacks qu’il aperçoit au loin.

Il note aussi que la région est inhabitée en raison des guerres incessantes qui s’y déroulent.  Ils sont bien en territoire ennemi.

L’affrontement aura lieu le 30 juillet.  200 guerriers iroquois sont retranchés dans un fort (près de Ticonderoga, dans le New York).

Champlain a réussi à se cacher jusqu’au dernier moment tandis que ses 60 alliés amérindiens se lancent à l’attaque.



Soudain, il se montre, met en joue des chefs indiens et en abat deux d’un seul coup qui achèvera aussi une 3e victime.

3 guerriers en une seule fois.  Voilà un coup de feu qui va changer durablement toute l’histoire de l’Amérique du Nord[1].




[1] Inspiré de Le rêve de Champlain de David Hackett Fischer, les Éditions du Boréal, 2012.

mardi 22 juillet 2014

IL Y A 110 ANS...




Il y a 110 ans, le grand-père de Simone Monet-Chartrand annonçait son départ de la politique fédérale.

Député libéral de la circonscription de Napierville, puis de Laprairie-Napierville, de 1891 à 1904, Dominique Monet annonçait cette année-là son intention de ne pas solliciter de nouveau mandat.
 
Canada Français, 22 juillet 1904.
Installé à Saint-Rémi, il expliquait que sa pratique du droit dans ce village ne suffisait plus à faire vivre sa famille et qu’il devait migrer vers des cieux plus rentables.

Il ajoutait que ses démêlés constants avec Wilfrid Laurier (il s’était notamment opposé à l’envoi de troupes pour soutenir les Anglais contre les Boers) avait considérablement miné son enthousiasme pour la politique fédérale.

Il fait alors le saut en politique québécoise et est élu dans la circonscription de Napierville, en cette même année 1904.

Il quitte toutefois  son siège dès l’année suivante, mais non sans avoir entretemps été brièvement ministre sans portefeuille puis ministre de la Colonisation et des travaux publics.

Nommé alors protonotaire du district de Montréal, il monte sur le banc de la Cour supérieure du district d’Iberville en 1908.

Il meurt en mer en 1923, mais est inhumé à Saint-Jean.

Dominique Monet était le père d’Amédée Monet, lui-même père de Simone Monet-Chartrand.

mardi 15 juillet 2014

SUR LA ROUTE, PRÈS DE SAINT-HYACINTHE...



Marcel Raymond


Saint-Jean a donné au Québec, en la personne du botaniste Marcel Raymond (1915-1972), l’un de ses scientifiques les plus éminents.

Membre de l’élite rapprochée de Marie-Victorin, avec Jacques Rousseau et Pierre Dansereau, Marcel Raymond s’est principalement illustré par son traité intitulé «Esquisse phytogéographique du Québec», œuvre qui aura servi à des multitudes de chercheurs et d’enseignants.


Mais désireux d’élever le niveau culturel de son peuple,  il ne dédaignait pas de s’adresser au public profane pour transmettre son savoir.

C’est ainsi qu’il a notamment tenu une chronique botanique dans le Canada Français.


Mais, il y a exactement 70 ans aujourd’hui, Marcel Raymond était impliqué dans un drame d’ampleur nationale.

Il revenait d’une exploration botanique avec Marie-Victorin, en ce 15 juillet 1944, et se trouvait dans la voiture où celui-ci décédera des suites d’un accident de la route.

Dans ce véhicule se trouvaient également le Frère Rolland-Germain, un proche du fondateur du Jardin botanique, ainsi que 3 jeunes assistants, dont Marcel Raymond.

Nous empruntons ici le récit de cet événement à la biographie de Marie-Victorin rédigée par notre membre Pierre Couture sous le titre «Marie-Victorin, le botaniste patriote»[1].

Les passagers se sont enfermés dans quelque monologue intérieur.  Marie-Victorin somnole.  Soudain, près de St-Hyacinthe, leur voiture est impliquée dans une violente collision.  Les trois jeunes botanistes arrivent tant bien que mal à s'extirper de la ferraille mais la situation est grave. 



À l'arrière, le Frère Rolland-Germain a la jambe cassée.  Mais il insiste pour qu'on s'occupe de Marie-Victorin.  Celui-ci est coincé entre son siège et le tableau de bord.  Son front a fait éclater le pare-brise.  Le sang coule de partout.  Il en a le visage couvert.  […]  Ses blessures semblent assez superficielles, mais il a la bouche pleine de sang et il n'arrive pas à avaler son médicament pour le cœur.  



Il frissonne et comprend toute la précarité de sa situation.  À Marcel Raymond, il dit: «Je crois que mon cœur n'endurera pas ça». 



Un taxi arrive enfin, une demi-heure plus tard.  Marie-Victorin et le Frère Rolland-Germain y sont déposés et Marcel Raymond les accompagne. 



Arrivés à l'hôpital, le décès de Marie-Victorin est constaté.  Une immense carrière, une carrière qui a modifié durablement la culture de tout un peuple, vient de cesser abruptement sur une route de campagne…

*****************************
Il va de soi qu'en cette période de la mi-juillet, nous ne saurions oublier la Fête nationale de notre mère patrie.

La commission de toponymie publie sur son site les traces que les acteurs de la Révolution française ont laissées dans nos noms de lieux.

Bonne lecture :
http://www.toponymie.gouv.qc.ca/ct/chroniques-toponymiques/semaine-2014-07-10.html

[1] Les Éditions XYZ inc., Collection : Les grandes figures, 1996, 216 pages.

mardi 8 juillet 2014

L’AUTOROUTE ASSASSINE (2)




À l’instar du train qui, nous l’avons déjà montré, a considérablement nui à l’activité économique de Montréal, le réseau autoroutier a permis aux grands centres commerciaux régionaux de concurrencer directement les marchands de Saint-Jean.

En avril 1967 était inaugurée l’autoroute 20 et l’autoroute 30 l’était en 1977.

Or, les promenades Saint-Bruno, ouvertes en 1978, ont tout de suite drainé les clients de Saint-Jean.

L’effet sur le commerce local fut spectaculaire.

Alors qu’en 1951, Saint-Jean occupait le 3e rang du commerce de détail pour les villes satellites de Montréal ou de Québec, elle avait glissé au 15e rang au début des années 1980.

La trop grande proximité de Montréal, la grande facilité d’accès, les vastes stationnements et la gamme des produits offerts s’alliaient pour attirer les clients hors de Saint-Jean.

La réplique a évidemment d’attirer des centres commerciaux locaux.  Le résultat demeure assez mitigé.

Les centres commerciaux accueillent surtout des succursales de vastes chaînes commerciales qui ont des achats groupés et qui ne s’approvisionnent presque pas localement.

De plus, avec leurs propres vastes stationnements ils contribuent à vider les commerces du centre-ville, désavantagés à cet égard.

Bref, les difficultés économiques de Saint-Jean ont une longue histoire.