mardi 30 septembre 2014

INCENDIE FERROVIAIRE


Nous espérons tous que la terrible tragédie ayant ravagé la municipalité de Lac-Mégantic soit la toute dernière causée par un convoi ferroviaire passant dans l’agglomération.

En tout cas, ce n’est certainement pas la première.

Ainsi, dans la nuit du 24 au 25 septembre 1924, un train circulant dans Saint-Constant a projeté des étincelles sur le hangar du notaire Donat Corbeil déclenchant une vaste conflagration qui s’est rapidement étendue à la demeure de Me Corbeil.

Puis les flammes se sont emparées de l’église paroissiale, du presbytère, de la manufacture de cercueils, du magasin général, du standard téléphonique et bureau de poste, de la boutique de forge et de 8 maisons, ne laissant au centre du village que ruines et cendres.

Seule consolation : on ne déplore ni mort ni blessé dans ce désastre.

En revanche, bien peu des dommages matériels – évalués à près de 500 000$ - sont couverts par des polices d’assurance…

Tout cela à l’approche de l’hiver.

L’esprit de solidarité trouvait là un nouveau champ de manœuvre. 

Ainsi l’église a été reconstruite, dès l’année suivante, en réutilisant les fondations de la première église, qui datait de 1882.



mardi 23 septembre 2014

ÉVASION SPECTACULAIRE

Prison et Palais de justice




 
En ce jeudi matin, 23 septembre 1904, l’émotion est grande à Saint-Jean.
Deux dangereux bandits viennent de s’évader de la prison commune, derrière le Palais de Justice.
Collins – aussi connu sous le nom de Britt – est accusé d’avoir mis de la fausse monnaie en circulation.
Quant à Daniel Glass, on le soupçonne de tentative de meurtre et de crime d’incendie.
L’émotion grandit encore quand on apprend que les deux évadés ont pu sortir de leur cellule respective sans qu’aucune trace de violence n’apparaisse sur les cadenas. 
Ils auraient également eu à leur disposition une lime leur permettant de venir à bout des barreaux fermant le couloir commun.

Finalement, ils auraient profité d’échafaudages et d’une échelle judicieusement disponibles pour prendre la poudre d’escampette.
Pour compléter le tout, les autorités de la prison signalent que les fugitifs ont même pris le temps de maquiller leur chemin de fuite en mettant le feu à l’entrée principale de l’établissement pour laisser croire qu’ils étaient partis par là.
Cela laissait évidemment supposer de puissantes complicités.
Venaient-elles de l’intérieur ou de l’extérieur?
Nul n'a pu le dire.
En revanche, Glass sera arrêté par la police étatsunienne de l'État de Washington en 1907, puis extradé au Québec.

 

mardi 16 septembre 2014

LA BATAILLE DU LAC CHAMPLAIN






Nous reprenons aujourd’hui – en le synthétisant – un long article paru dans le quotidien Plattsburgh Press-sentinel du 11 septembre 1957 pour marquer la victoire historique des Étatsuniens contre les troupes britanniques d’invasion. 

Après une interruption de 32 ans, la ville de Plattsburgh elle-même reprenait le flambeau de la commémoration de cette geste historique majeure. 


L’ENNEMI VENAIT DU CANADA FORT DE 14 000 HOMMES

Il y a deux cents ans – du 6 au 11 septembre 1814 – Plattsburgh et ses environs sont entrés dans l’histoire.  Là s’est déroulée la bataille ultime entre deux armées anglo-saxonnes.

Les 6 derniers jours de la guerre de 1812 se sont terminés là – le 11 septembre[1] 1814 – par la victoire décisive remportée par le contre-amiral Thomas Macdonough dans la baie de Cumberland contre une flotte britannique supérieure en nombre.
[...]

La seconde guerre contre les Britanniques fut proclamée par le président James Madison, le 17 juin, 1812, mais la nouvelle n’en parvint à Plattsburgh que le 17 juillet.

Le commerce avec le Canada devint immédiatement illégal et l’armement des navires de douane[2] fut renforcé en empruntant des armes à feu à l’arsenal de l’État à Plattsburgh. 
[...]

Quant à l’ennemi, il ne se manifesta que l’année suivante.
Le 2 juin 1813, au matin, le lieutenant Sidney Smith, à la tête des corvettes « Growler » et « Eagle » prend en chasse des navires britanniques et les repousse jusqu’à l’Île aux Têtes, de l’autre côté de la frontière, où, après de violents engagements, ses deux navires sont capturés.

Ces navires furent ajoutés à la flotte d’invasion composée aussi de galères à rames, forte de 1 400 hommes et dont la mission consistait à détruire le maximum de bâtiments publics et d’entrepôts appartenant au gouvernement des États-Unis.

[Laissée à elle-même, la milice renonce à engager le combat et se replie rapidement.]

En revenant en ville, le lendemain, les miliciens ne trouvèrent que ruines, les édifices publics et nombre de bâtiments privés ayant été détruits.  Même le cantonnement de Pike, à 3 kilomètres en amont sur la Saranac avait été attaqué.

Ayant quitté Plattsburgh, l’ennemi prit terre sur le côté est de la péninsule de Cumberland et détruisit l’entrepôt gouvernemental situé à côté de la maison Hagar. 
[...]

Au printemps 1814, le secrétaire à la guerre[3] ordonna au général Izard de fortifier « Rouses Point » afin d’empêcher les incursions ennemies dans le lac.

Loin de se conformer, Izard indiqua qu’il préférait s’installer dans la péninsule de Cumberland, où il érigea le « Fort Izard », dont les ruines sont encore visibles tout près de la vieille ferme Tabberah, tout juste au nord du carrefour menant au traversier.

En même temps, Izard entreprit de faire construire des forts au sud du village.  Ce sont les forts Moreau, Brown et Scott.

Le fort Moreau, le plus imposant des trois, occupait une crête sise entre la rivière et le lac.  Quant au fort Scott, il était situé un peu à l’est du premier. (Ces deux forts ont été arasés, en 1892, pour faire place au terrain d’exercices de la garnison.)

Pour sa part, le fort Brown était situé à l’ouest de la rue Peru, tout juste au nord du cimetière catholique et en face de l’entrée nord de la base militaire.
[...]

En août 1813, le général Izard fut envoyé sur le front ouest, laissant la défense de Plattsburgh au seul général Alexander Macomb et ses 2 500 hommes.  Macomb retira immédiatement ses forces de la péninsule Cumberland et les posta au sud du village.

Au même moment, 6 000 hommes de troupes se trouvaient à Champlain et 3 000 autres à Chazy.  Quant à Macomb, il prit ses quartiers d’hiver à 3 kilomètres au nord de Chazy.

Quand la campagne militaire s’ouvrit en 1814, les civils vivant près de la frontière se réfugièrent encore à Peru.

Au mois d’août, un contingent britannique de 1 000 hommes s’approcha.  Or, il ne restait plus que 100 soldats étatsuniens sous le commandement du colonel Riley à Chazy.  Devant un tel déséquilibre des forces, Riley ordonna le repli.

Quelques jours plus tard, un raid indien vint à Chazy, mais sans faire de dégâts et, le 31 août, l’armée britannique commandée par le général Brisbane installa son bivouac sur la rive nord de la Grande Chazy, ce qui poussa le général étatsunien Benjamin Mooers à ordonner le repli en masse des milices des comtés de Clinton et d’Essex.

Le 2 septembre, le lieutenant-colonel Thomas Miller, à la tête de ses miliciens, prit position le long du chemin Beekmantown, près de Chazy.

Le lendemain, 14 000 hommes de troupe britannique franchissaient la frontière et se lançaient vers Champlain.  Le 4, ils partaient vers Chazy.
La flotte britannique entrait dans le lac Champlain.  Elle était dirigée par le capitaine George Downie et la flotte américaine par le commodore Thomas Macdonough. 

L'objectif des envahisseurs était d’attendre que la flotte britannique détruise la flotte américaine, à Sackett's Harbour, dans le lac Ontario, puis d'aller de l'avant en attaquant les 4000 hommes stationnés à Plattsburgh.

Le 5, l’aile droite de l’armée britannique, commandée par le colonel Wellington (neveu de lord Wellington), arriva à Chazy Ouest tandis que l’aile gauche empruntait l’actuelle route 9.

Durant la nuit, l’aile droite campa à 3 kilomètres au nord de Beekmantown Corners sur une terre connue maintenant comme la ferme Scribner, mais qui appartenait à Miner Lewis à l’époque.

Le matin du 6, un corps de la milice d’Essex, commandée par le colonel David B. McNeil, rencontra les forces britanniques tout juste au nord de là. 
 
Après une courte escarmouche, la milice se retira au sud de Beekmantown Corners, où elle fut rejointe par les troupes du major John E. Wood.

Un nouvel accrochage eut lieu et plusieurs miliciens furent blessés; la milice se retrancha alors à la colline Culver.  Là se trouve une plaque portant l’inscription suivante : « Colline Culver, 6 septembre 1814.  Près d’ici sont tombés le caporal Partridge, milicien du comté d’Essex ainsi que le lieutenant-colonel Wellington et l’enseigne John Chapman, de la 3e armée britannique de terre. »

Le colonel Wellington était en effet à cheval à la tête de ses troupes et, arrivant au sommet de la colline, il aurait agité son couvre-chef en criant : « Ils sont là, allons-y »,  avant d’être promptement abattu.  Il a été enterré sur place.

Le 11 septembre, Downie se lance dans une attaque navale contre les navires étatsuniens.  Très mauvaise décision, car en plus des vents contraires, il doit affronter une marine beaucoup plus aguerrie que ce que son mépris lui avait laissé attendre.

Le 11 septembre 1814, donc, après environ 3 heures de combat acharné, la flotte britannique subit dans la baie de Plattsburgh une défaite humiliante, et Downie lui-même y perd la vie.   Mais ce n’est pas tout.

L’attaque de Downie devait couvrir l’attaque par terre des troupes de George Prévost, gouverneur en chef du Canada.

Voyant sa flotte détruite, Prévost n’écouta que son courage et battit immédiatement la retraite.

Ainsi se terminait cette campagne d’invasion.

Prévost, à qui on reprochait cette déroute mortifiante, fut immédiatement rappelé à Londres et ne put jamais effacer son déshonneur.





[1] Même quantième que les attentats du 11 septembre 2001 contre les tours jumelles de New York.  Dans les deux cas, il s’agissait d’actions militaires contre les États-Unis.
[2] Ces navires de douane patrouillaient les divers plans d’eau du pays afin de combattre la contrebande. (NdT)
[3] Les États-Unis n’ont pas de ministres.  Le président n’a que des secrétaires.  NdT.

mardi 9 septembre 2014

MARTHA (LA SUITE) - LA TOURTE AU QUÉBEC




En 1664, Pierre Boucher, alors seigneur de Boucherville, écrit : « Il y a une autre sorte d'oiseaux, qui se nomment Tourtes ou Tourterelles (comme vous voudrez) : elles sont presque grosses comme des pigeons, et d'un plumage cendré.  Les mâles ont la gorge rouge, et sont d'un excellent goût. Il y en a des quantités prodigieuses et l'on en tue des quarante et quarante-cinq d'un
coup de fusil.  Ce n'est pas que cela se fasse d'ordinaire, mais pour en tuer huit, dix, ou douze, cela est commun.  Elles viennent d'ordinaire au mois de mai, et s'en retournent au mois de septembre; il s'en trouve universellement par tout ce pays-ci. Les Iroquois les prennent à la passée avec des rets; ils en prennent quelques fois des trois et quatre cents d'un coup. »

Dans un texte de 1686, le baron de Lahontan relate que Monseigneur de Laval, évêque de Nouvelle-France, a dû exorciser des tourtes plus d'une fois, « pour le salut des biens de la terre ».

Toutefois...  «La Tourte a été signalée dans la plupart des régions du sud du Québec. Néanmoins, les indices de nidification sont très peu nombreux et il semble que relativement peu d'individus nichaient sur le territoire québécois », expliquent Michel Gosselin et Michel Robert dans Les Oiseaux nicheurs du Québec, premier atlas publié en 1995.

Selon eux, au 18e siècle, de petites colonies étaient établies à Saint-Jean-Dorchester (Saint-Jean-sur-Richelieu) et à Baie-Saint-Paul. En 1887, alors que le déclin était à son maximum, l'espèce a niché jusqu'à Chisasibi (Baie de James), comme si le Québec avait pu servir d'ultime refuge.

Le dernier oiseau du Québec fut un mâle signalé par le gardien de phare de Pointe-des-Monts sur la Côte-Nord, à l’entrée du golfe, en mai 1911.

L'île aux Tourtes, en face de Vaudreuil-Dorion, et Pigeon Hill dans le comté de Brome-Missisquoi, sont parmi les toponymes du Québec rappelant l'espèce.

La Tourterelle triste, pour sa part, arrive plus tard au Québec.  Elle n’y niche en effet pour la première fois à Oka qu’en 1913 (on l'avait même alors pris, pour une tourte). 
                                                                   Son aire de nidification, d'abord restreinte à la région immédiate de Montréal, s'est étendue vers le milieu des années 1950 et son aire d'hivernage s'est agrandie depuis le début des années 1970, en lien avec l'augmentation de la culture du maïs et la popularité des mangeoires.



Tourte et tourtière


En France, aux 17e  et 18e  siècles, la tourtière était un ustensile rond muni d'un couvercle servant à la cuisson de pâtisseries, comme les tartes et les tourtes (pâtés à la viande).

Ce nom vient de l'ancien latin torta, ellipse de torta panis (« pain rond »).
  
Par métonymie, on a utilisé le nom du contenant pour le contenu, comme on l'a fait plus récemment pour paella et tajine; dès 1870 pourtant, le dictionnaire Littré déconseillait cet usage en France.

Donc, nommer tourtière le pâté à la viande n'était pas particulier à la Nouvelle-France, et la tourte, un oiseau nord-américain, ne peut pas être à l'origine du mot tourtière.

Le nom de l'oiseau que Jacques Cartier appelait turtre dans ses écrits vient, quant à lui, du latin turtur dont le diminutif turturella a donné tourterelle.

En 1651, La Varenne proposait dans Le cuisinier françois 34 versions de tourtes (pâtés) dont la tourte aux alouettes et la tourte aux pigeonneaux.

Jean-Pierre Lemasson écrit dans L'incroyable odyssée de la tourtière que, même si l'idée de mettre des oiseaux dans les tourtières existe depuis la nuit de temps, il n'a trouvé nulle part la preuve que les tourtes entraient dans la composition des tourtières au Québec.

Par contre, nos voisins ontariens et états-uniens les mentionnaient souvent comme ingrédient de leur Pigeon Pie.

Même si les écrits sont rares, il est certain qu'on mangeait des tourtes abondamment puisque les bouchers de Québec se plaignaient en 1710 de vendre beaucoup moins de viande durant « le temps des tourterelles », alors que cette manne tombait littéralement du ciel.




mardi 2 septembre 2014

IL Y A 100 ANS DISPARAISSAIT MARTHA, LA DERNIÈRE TOURTE.





Nous reproduisons aujourd’hui un texte de Gaétan Duquette[1] sur la tourte.  Une suite – sur la tourte au Québec - paraîtra la semaine prochaine.
**********************
À l'automne 1813, le naturaliste J.J. Audubon décrit en ces termes l'immense volée de Tourtes voyageuses qu'il a rencontrée près de Louisville, au Kentucky:

« La lumière du jour en plein midi s'en trouvait obscurcie comme par une éclipse; la fiente tombait comme de la neige fondante, et le bourdonnement continu des ailes m'étourdissait. »

Plus loin, un calcul l'amène à conclure que plus d'un milliard d'oiseaux sont passés devant lui en trois heures.

Un siècle plus tard, le 1er septembre 1914 à 13 heures, Martha, la dernière de son espèce, est trouvée morte sur le sol de sa cage au jardin zoologique de Cincinnati, à 150 km à peine de Louisville.

Que s’est-il passé?

Entre 1800 et 1900, la population humaine des États-Unis s'est multipliée par 15, passant de 5 millions à 76 millions d'habitants.

Les immenses forêts de chênes, de frênes et d'érables, qui abritaient entre 3 et 5 milliards de tourtes, sont alors utilisées pour leur bois et en partie remplacées par des pâturages et des terres cultivables.

À partir des années 1850 débute l'industrialisation; les villes se multiplient et grandissent rapidement tandis que l'immigration s'accélère et se diversifie. Pour nourrir tous ces gens, il faut beaucoup de viande.

Pendant des siècles, les tourtes ont donc servi de nourriture aux Amérindiens et, plus tard, aux premiers colons.

Cependant, le développement du télégraphe et du chemin de fer (de 37 km en 1830 à 48 000 km en 1860) va permettre l'avènement d'une chasse commerciale pouvant répondre à la forte demande en adultes et en poussins.


On estime que ce marché, au plus fort de la chasse, était alimenté par au moins mille chasseurs et piégeurs professionnels.


En mai 1871, pas moins 50 000 oiseaux ont été vendus en une journée sur le marché de Boston, et en 1874, dans une seule colonie du Michigan, 700 000 tourtes furent abattues en un mois.

Vers 1882, en Ohio, une douzaine de tourtes vivantes coûtait 5 ¢, alors qu'un couple de cardinaux se vendait 2 $.

Les méthodes de chasse

Plusieurs méthodes de chasse étaient utilisées, la plus populaire étant le tir au fusil.

D'un seul coup, on abattait facilement six oiseaux et deux coups dans un dortoir pouvaient tuer jusqu'à 60 oiseaux.

Des concours de tir aux pigeons furent organisés, dont un où il fallait abattre au moins 30 000 oiseaux avant de pouvoir réclamer un prix.

Il y avait aussi la technique des grands filets où des tourtes aux paupières cousues servaient de leurres.  L’un de ces pièges permettait de capturer jusqu'à 3500 oiseaux en même temps.

Une autre méthode, plus artisanale, consistait à utiliser de longues perches pour faire tomber au sol les oiseaux perchés dans les dortoirs ou  volant bas, pour ensuite leur écraser la tête.

Moins souvent, on faisait brûler des herbes et du soufre dans les dortoirs pour faire suffoquer les volatiles. Les surplus étaient jetés aux porcs ou servaient d'engrais.

Informés par le télégraphe, les chasseurs professionnels traquaient les oiseaux d'une ville à l'autre, d'un État à un autre.

Les tourtes étaient tuées quand elles s'alimentaient, dormaient, nichaient et se déplaçaient. On peut parler de véritables carnages.

À l'été 1878, la dernière volée s'établit pour nicher près de Petoskey, au Michigan. Elle couvrait environ 400 km2. On estime à 1,5 million le nombre d'oiseaux abattus cet été-là.

Les autres causes de l’extinction
Parallèlement à la chasse, la déforestation continuait, réduisant la nourriture principale des tourtes (glands, faînes, châtaignes et fruits) et rendant sa quête de plus en plus difficile (ces arbres ont une production localement très abondante, mais pas à chaque année).

En 1872, les forêts anciennes de l'est des États-Unis ne couvraient plus que la moitié de la surface qu'elles occupaient à l'arrivée des premiers colons. Pendant les trente années où la chasse a été intensive, le dérangement des colonies a amené l'abandon des nids et réduit le nombre de sites de nidification utilisables.

La production étant habituellement d'un seul oeuf par couvée et d'une seule couvée par année, la population a fortement chuté. En dessous d'un nombre minimum critique, une espèce aussi grégaire était condamnée à disparaître.

Résurrection possible?
L'idée de ramener à la vie des espèces disparues n'est pas nouvelle (on n'a qu'à penser au film Le Parc Jurassique). Un groupe de scientifiques s'y intéresse aujourd'hui très sérieusement; le projet Revive & Restore (http://longnow.org/revive/) s'est donné pour mission ressusciter certaines espèces disparues et de les réintroduire dans leur habitat d'origine. Un néologisme est né : dé-extinction.

Le groupe a choisi la Tourte voyageuse comme candidat idéal, et la technique pour recréer cet oiseau emblématique serait théoriquement faisable.

Les tourtes ainsi obtenues, d'abord élevées dans des zoos, pourraient ensuite être placées dans des bois recouverts de filets, avant d'être réintroduites finalement dans leur habitat d'origine.

On espère que les oiseaux seront génétiquement identiques et qu'ils pourront reprendre leur ancien rôle écologique dans les forêts décidues de l'est des États-Unis. Cette seconde étape paraît beaucoup plus ambitieuse...

En effet, lorsque la chasse commerciale a cessé d'être rentable, vers 1880, quelques dizaines de milliers d'oiseaux devaient sûrement encore exister, dispersés dans des habitats adéquats. Et pourtant, l'espèce s'est éteinte malgré tout.

Ceci illustre bien un principe essentiel en matière de protection et de conservation : il n'est pas toujours nécessaire de tuer le dernier couple pour qu'une espèce disparaisse.  


[1] Il y a cent ans disparaissait Martha, la dernière tourte voyageuse, Québec  Oiseaux , 100 e numéro -  volume 25, numéro 3, printemps 2014, 25e anniversaire, pages 22-27