mardi 27 janvier 2015

LÉSINER SUR L’HYGIÈNE PUBLIQUE



Notre actuel gouvernement ne cesse d’imposer des compressions budgétaires dans tous les domaines et de nous imposer une austérité à nulle autre pareille.

Sachons que ces chipotages ont de très lointaines racines.

C’est ainsi que le Canada Français nous signale, dans son édition du 29 janvier 1920, que le Conseil municipal de Saint-Jean craint que l’hygiène publique lui coûte trop cher.

On sait que depuis le vaste mouvement d’urbanisation amorcé au Québec à la fin du XIXe siècle, les maladies liées à l’entassement, à la pauvreté et à l’insuffisance des infrastructures sanitaires se multiplient.

En 1920, le Bureau supérieur d’hygiène du Québec recommande aux municipalités d’embaucher des médecins pour assurer une protection contre les maladies infectieuses, surtout que la période est fortement menacée par des épidémies de fièvre typhoïde.


En application de cette recommandation, un médecin a donc été embauché à Saint-Jean pour deux mois.

«Deux mois», s’est étranglé un conseiller, «pourquoi pas une embauche d’un seul mois?»

S’en est ensuivie une longue discussion au terme de laquelle l’embauche de deux mois fut maintenue.

C’était sans doute heureux car un autre sujet à l’ordre du jour concernait l’endroit où les marchands de glace prélevaient leur marchandise, tout juste là où l’usine d’épuration de la ville rejette ses eaux usées dans le Richelieu…





mardi 20 janvier 2015

LE CLUB DE RAQUETTEURS CHAMPLAIN


En notre époque d’effets spéciaux spectaculaires au cinéma, d’impatience généralisée et d’individualisme à tout crin, les sports sont extrêmes ou ne sont pas.
Au début du 20e siècle, la vie se déroulait plus calmement et plus convivialement.  Les sports aussi.
Une activité de groupe attirait particulièrement : la raquette.
D’invention amérindienne et adoptée par les Français dès la naissance de la Nouvelle-France, la raquette se pratiquait allègrement dans Saint-Jean et la région, même si cela s’accompagnait de quelques mésaventures à l’occasion…
Raquetteuse tombée au travers de la glace.
Une des fréquentes chutes.

Canada Français, 25 décembre 1908.
Mais cela ne décourage pas les vocations et, le 20 décembre 1908, un groupe de notables se réunit juste avant Noël pour créer le « Club Iroquois » de raquetteurs, nom qui sera changé dès l’année suivante pour « Club Champlain », nom qu’il porte encore de nos jours.

Dans les années 1920, naît le « Cercle Champlain » qui regroupe lui, des raquetteuses en attendant que les deux groupes fusionnent en 1961.

Entretemps, un club social aura été acheté, puis rebâti après l’incendie dévastateur de 1938 et vendu en 1992 après avoir longtemps servi de lieu de ralliement pour des générations de membres férus d’activité physique, de camaraderie et de dévouement au bien public.
La paroisse Saint-Eugène était moins développée à l'époque...


En ce début 2015, le club vit ses derniers moments : le recrutement de nouveaux membres est au point mort, les anciens, devenus trop vieux, prennent leurs distances les uns après les autres et les réserves financières s’amenuisent constamment.

L’actuelle présidente, Nicole Daudelin, qui est administratrice de la Société d’histoire du Haut-Richelieu (qui publie ce blogue) prévoit que cette année sera sans doute la dernière d’une association qui aura fait le bonheur de plusieurs générations d’amateurs de plein air.
Raoul Courtemanche, longtemps président du club, arborant fièrement son uniforme.
En sortie.
Canada Français, 28 janvier 1910
 
Devant le marché.


mardi 13 janvier 2015

UN GESTE AMBIGU



Le 10 janvier 1910, à Montréal, survient un événement qui exerce encore une influence sur nous : la naissance du quotidien Le Devoir.


Henri Bourassa, son fondateur, a quitté le parti libéral fédéral de Wilfrid Laurier, en 1899, parce que ce dernier a obéi immédiatement à l’ordre venu de Londres, la métropole coloniale, d’attaquer les Boers.



Ces Boers osaient vouloir empêcher les pilleurs anglais de faire main-basse sur leurs ressources naturelles et la puissance impériale avait décidé de les casser en envoyant des troupes venant des autres colonies…



Bourassa n’avait pas supporté la docilité coloniale de Laurier et avait claqué la porte.

 
Première demeure du Devoir, au
71A  rue Saint-Jacques.

En fondant Le Devoir, il se donnait le moyen de peser sur l’opinion publique et de combattre toutes les dérives des Libéraux.



Voilà où la chose devient croustillante.



Le Canada Français signale la nouvelle parution, quatre jours plus tard, dès son édition hebdomadaire du 14 janvier.



Journal libéral s’il en est, le Canada Français ne manque pas de souligner vivement les orientations anti-libérales de la nouvelle feuille.




Et il termine par cette phrase ouverte à toutes les interprétations : « Nous souhaitons au nouveau confrère le succès qu’il méritera. »



Il est permis de penser que ce succès a largement dépassé les vœux exprimés à cette occasion.


mardi 6 janvier 2015

TOUJOURS UNE LONGUEUR D'AVANCE




Nous sommes en 1921.  Louis-Philippe Granger revient d’une année passée dans une laiterie de Saint-Henri.
À Saint-Jean, la tête pleine de projets, il achète la clientèle et les 6 vaches d’un laitier et se lance à son compte.
Tout de suite, il se démarque par son souci de l’hygiène, laquelle, dans un premier temps, le pousse à offrir deux livraisons par jour pour assurer la fraîcheur.



Dès 1923, il commence à livrer son lait en bouteilles, l’un des premiers à adopter ce nouvel emballage.



Il va aussi passer à la pasteurisation  - dès 1924, le premier au Québec - avant même qu’elle soit obligatoire et finalement il offrira du lait en poudre pour des applications spécifiques.

Le passage à la pasteurisation a soulevé des inquiétudes, les ménagères craignant que le produit soit de moins bonne qualité.

Durant un mois, il va donc distribuer le lait pasteurisé sans le déclarer et personne ne perçoit la différence…  Pari gagné.

En fait la qualité de son lait était si réputée que d’autres laiteries, dont la "Laiterie Reid" de Châteauguay et celle de Germain Quintal à Delson, venaient s’approvisionner chez « Granger & Frères » de St-Jean.

Mais l’innovation la plus marquante, et sans doute la plus avant-gardiste, fut l’achat - à la fin des années 1950 - d’une flotte de camions électriques pour assurer les livraisons.


Le premier fut acquis en 1958 et, les essais ayant été concluants, 6 autres furent achetés dès l'année suivante.  En 1960, 2 autres camions électriques, mais de plus grand format, furent ajoutés.
Fabriqués en Angleterre par la compagnie « Smith’s NCB » (Northern Coach Builder), ces véhicules avaient une autonomie d’une soixantaine de kilomètres et pouvaient atteindre une vitesse maximum d’une trentaine de kilomètres à l’heure.

Rien de mirobolant, donc, mais des machines increvables qui faisaient fort bien ce que l’on attendait d’elles.

La plupart du temps, le chauffeur négligeait son siège et conduisait en position debout ce qui lui évitait de se relever pour chacune des nombreuses livraisons.

Par ailleurs, ces camions étaient dotés de larges ouvertures de chaque côté, ce qui permettait au chauffeur de sortir indifféremment d’un côté ou de l’autre et, chargé de ses bouteilles, d’aller aisément porter les achats au seuil de toutes les portes de la clientèle.

Le gain de confort et d’efficacité était appréciable.

Bref, la flotte a rempli son office durant de nombreuses années.

On chuchote seulement que nombre d’ouvriers matinaux comptaient sur le bruit du pas des chevaux pour se réveiller le matin et que le silence absolu des nouveaux camions les privait de cet avantage marginal…

Quant à la laiterie Granger, elle a été acquise, en 1972, par sa concurrente, la laiterie Samoisette, laquelle ne se présente guère cependant que comme distributeur des produits Granger.



Autre hommage à la qualité de ces produits.