mardi 28 juillet 2015

UN ASILE D’ALIÉNÉS À SAINT-JEAN


Philippe Pinel


À la fin du 18e siècle, Philippe Pinel (1745-1826) s’emploie à démontrer que les aliénés sont récupérables.

Il lance alors l’idée qu’en les internant dans des asiles il sera possible de les arracher à leurs cachots, de les soustraire à toute décision juridique arbitraire, de les libérer des stimulations pathogènes de leur milieu et de les protéger contre toute violence gratuite.

Ces nobles idéaux sont bientôt adoptés par de nombreux États en Europe et en Amérique du Nord; des asiles gouvernementaux sont ouverts un peu partout.

Mais pas au Bas-Canada, où le gouvernement préfère affermer les hôpitaux psychiatriques à l’entreprise privée, bien plus préoccupée de ses profits que du bien-être des patients.

Bien vite, les rapports d’enquête sur cette situation  deviennent accablants, au point où le gouvernement de la province du Canada décide, en 1861, d’ouvrir son premier hôpital psychiatrique gouvernemental.

Saint-Jean d’Iberville est choisi pour cette nouvelle expérience, mais toujours désireux de limiter les dépenses en ces matières, le gouvernement décide de l’installer dans l’ancienne prison – abandonnée – qui subsistait derrière le Palais de Justice.
Palais de justice et prison de Saint-Jean

Le mot d’ordre est d’investir le moins possible dans la réhabilitation du bâtiment.

Quant à la direction, pas question d'y nommer un francophone.

Alors, on se rabat sur un ophtalmologue, le docteur Henry Howard (1815-1887), un Irlandais qui avait d’abord immigré à Kingston avant de s’établir à Montréal.
Henry Howard

En dépit de ces failles, le Dr Howard arrivera à maintenir son établissement à flot durant un peu plus de 12 ans, y accueillant un centaine d’ex-détenus.

Mais les conditions d’hébergement y sont si déficientes, les moyens matériels si limités que les rapports d’inspection – bien que louangeurs envers le Dr Howard – se font de plus en plus dénonciateurs.

En 1872, le député Laurent-David Lafontaine, lui-même médecin, conteste certaines dépenses faites par le dispensaire , notamment pour l’achat de spiritueux, et il préconise sa fermeture.


En 1874, la décision est prise : l’asile de Saint-Jean sera fermé et ses «fous» transférés à l’hôpital de Saint-Jean-de-Dieu que les Sœurs de la Providence ont ouvert, l’année précédente, à Longue-Pointe, dans l’extrême Est de l’Île de Montréal.
 

 Le Dr Howard continuera d’œuvrer dans ce nouvel hôpital jusqu’à sa mort en 1887.


3 commentaires:

  1. Gros merci pour ce pan d'histoire qui m'était inconnu.

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  2. On verra d'ailleurs la mention d'un asylum derrière le palais de justice sur la carte de Wellge datant de 1881, disponible au Musée (copie, évidemment...!).

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