mardi 26 janvier 2016

LE MOUTON NOIR DE HENRYVILLE



L’ancien député libéral de Saint-Jean, de 1900 à 1908, aura eu une carrière à la fois remarquable et honteuse.
Né à Henryville, le 30 juillet 1847, Philippe-Honoré Roy a d’abord exercé la carrière d’avocat, se gagnant de bonnes grâces de gauche et de droite jusqu’à exercer le rôle de syndic du Barreau en 1889 et 1890.
Personnalité bien en vue il accède même à la présidence du club national,  chic rendez-vous des milieux libéraux, à la fin des années 1870.
Ayant épousé Auglore Molleur, la fille du riche homme d’affaires d’Iberville Louis Molleur, Roy s’insinue rapidement dans les milieux financiers de la région et s’intéresse particulièrement à la Banque de Saint-Jean que son beau-père vient de créer en 1873, banque dont il deviendra le président au début du 20e siècle.
Menant parallèlement une vie partisane, il réussit après de nombreux échecs, à se faire élire député de Saint-Jean sous la bannière libérale en 1900 et à faire reconduire son mandat en 1904.
Il atteint alors le sommet de sa carrière d’élu en accédant au poste de président de l’Assemblée législative, en 1907.
Et c’est là que le vent tourne.  Il s’avère que Roy a si profondément puisé pour son compte personnel dans les finances de la banque que celle-ci a été menée à la faillite.
Panique de déposants, ici à New York.
Le 28 avril 1908, l’institution suspend ses paiements et ferme ses portes. 
Officiellement, le caissier principal se serait sauvé aux États-Unis en emportant les épargnes des déposants, mais l’enquête subséquente démontrera que le président de l’Assemblée législative est derrière cette déconvenue.
Renonçant, en 1908, à solliciter un troisième mandat, il aurait même financé sa campagne électorale à la mairie de Montréal avec l’argent détourné.
En tout, c’est tout près de 575 000 dollars qu’il aurait ainsi empoché délictueusement.
Arrêté le 11 juin 1908, par les autorités fédérales il est trouvé coupable en 1909 et condamné à 5 ans de prison, peine qu’il ne purgera pas entièrement puisqu’il décédera le 17 décembre 1910.
Le Canada Français, organe libéral, signalera très discrètement sa disparition, le vendredi 23 décembre.



mardi 19 janvier 2016

1976 –ANNÉE DE GRANDE RICHESSE HISTORIQUE


Au Québec, 1976 est d’abord et avant tout l’année de la première accession  du Parti québécois et de René Lévesque au pouvoir.
Dans notre région, c’est également l’année de naissance des ÉDITIONS MILLE ROCHES, lesquelles vont réussir, jusqu’en 1989, à mettre joliment en valeur nos trésors historiques et patrimoniaux.
Depuis quelque temps, en effet, des esprits curieux avaient noté d’une part le véritable pactole de monuments anciens de toutes sortes ainsi que d’événements mémorables dont regorge la région et, d’autre part, l’oubli presque universel les affligeant.
Et c’est à un natif du Bas-du-Fleuve, Jean-Yves Théberge  (né en 1937 à Saint-Mathieu-de-Rimouski) que revient le mérite d’avoir secoué cette amnésie.
Après avoir un peu tâté le terrain auprès des historiens de la région, il convoque une réunion en 1976 pour aviser aux moyens à prendre pour corriger la situation.
Pour éviter toute improvisation en la matière, il a la prudence de s’associer Marie Gruslin, jeune comptable très au fait du fonctionnement légal des entreprises.
La décision est immédiatement prise de fonder une maison d’édition et d’y associer, dès le départ, un troisième larron en la personne du philosophe Marcel Colin, professeur au CEGEP.

Le nom est immédiatement choisi en collégialité, Mille Roches désignant  le lieu bien connu du Richelieu où, à l’étiage d’automne, l’eau est si basse que les roches du fond affleurent à la surface.
Le choix de la première publication ne pose
guère de problème non plus et se fixe sur la monographie du notaire Lionel Fortin intitulée Nelson Mott et l'histoire de Saint-Jean[1].
D'autres titres viendront rapidement agrémenter le tout et on ne se prive pas de vanter les mérites touristiques...

ou de dériver vers l'autobiographie...

En 1980, l’autonomie financière de l’entreprise étant assurée, Marie Gruslin estime qu’elle a rempli la tâche qu’elle s’était assignée et tire sa révérence.
Elle est imitée  trois ans plus tard par Marcel Colin, dont la santé périclite.
Bientôt, Jean-Yves Théberge se trouve seul à la barre et, la tâche s’avérant au-dessus de ses forces, il décide de vendre à des libraires de Saint-Jean, les Frères Dulude, en 1986.
Nées « affaire de cœur », elles devenaient « affaire commerciale ».
La sanction ne tarda pas et la maison fermait en 1989…
Depuis, aucune relève ne s’est manifestée.





[1] En 14 ans d’existence, la maison publiera 51 titres, débordant l’histoire régionale pour aborder des sujets tels la vieillesse ou l’artisanat.


mardi 12 janvier 2016

UNE LUTTE INGRATE...


Comme chacun sait, les Québécoises n’ont acquis le droit de vote que le 25 avril 1940 (1918 au fédéral) au terme d’une très longue lutte marquée par la naissance du mouvement des suffragettes et par la création des divers autres groupes de pression.

C’est peu de dire que leurs revendications ont affronté refus, dénigrement, éreintement et médisances de toutes sortes.
Le Canada Français du 12 janvier 1906 en donne une solide illustration.   
L’entrefilet suivant – publié en première page – se passe de commentaire. 

«Concluons que la majorité des femmes sont les premières à comprendre les inconvénients de leur suffrage».

Difficile d'imaginer mépris plus flagrant...

mardi 5 janvier 2016

LA PROHIBITION À LACOLLE


Comme chacun sait, les États-Unis ont tenté, durant près de 15 ans, d’interdire la vente et la consommation d’alcool dans tout le territoire national.

En 1919, le Congrès adopte le 18e amendement constitutionnel et la loi Volstead avec entrée en vigueur le 16 janvier 1920 et la prohibition va durer ainsi jusqu’en 1933 avec l’adoption du 21e amendement constitutionnel…

Inspiré en bonne partie par divers groupes religieux protestants, le mouvement d’interdiction visait aussi à nuire aux grandes brasseries, qui se trouvaient presque toutes aux mains de germano-américains.   

À peine sorti de la 1ère  Guerre Mondiale, nuire ainsi à ceux qu’on percevait comme des ennemis ne pouvait pas nuire…

Comme chacun sait, également, cette Prohibition connut un échec retentissant et servit surtout à créer de vastes et prospères entreprises de contrebande et à susciter le long de la frontière, au Québec notamment, l’apparition de nombreux hôtels où la vente d’alcool ne connaissait aucune restriction.
Notez l'affiche «First Chance» (Première occasion) - Message sans équivoque

Un de ces hôtels – le Lacolle Inn – a pour sa part acquis une belle notoriété des deux côtés de la « Ligne », car en plus de servir un vaste éventail de boissons alcoolisées, il misait sur la fine cuisine et sur des spectacles de qualité.

Présentant un intérieur plus que confortable il attirait une clientèle variée et qui pouvait venir de loin, même de Montréal et au-delà.

Et, il ne lésinait pas sur la publicité...

The North Countryman, 4 octobre 1928

 
Plattsburgh Daily Press 29 juillet 1932

Il va sans dire, toutefois, que fondé sur un marché très spécialisé, l’hôtel a perdu sa clientèle en « perdant » la Prohibition et l’immeuble n’existe plus de nos jours.