mardi 26 avril 2016

ACCIDENT MORTEL




Encore de nos jours, le travail des agriculteurs présente des dangers qui peuvent être mortels.


En 1906, il y a plus d’un siècle, c’était déjà le cas, mais cela se compliquait du goût toujours vif du sensationnel et du scabreux.




En ce début d’avril, à la nuit tombée, deux jeunes gens rentraient à Saint-Jean lorsqu’il trouvèrent une voiture à cheval apparemment abandonnée au bord du chemin.



Ils la ramènent en ville où on se rend compte qu’il y a du sang sur le plancher et les roues.



Des secours s’organisent et on retourne sur place.



Malgré le manque d’éclairage, on finit par trouver un cadavre entouré d’une mare de sang et à la tête affreusement mutilée.



Il s’agit, en fait, de la dépouille de Hector Roy, un agriculteur avantageusement connu de la région, âgé de seulement 29 ans et père de trois enfants.



Les circonstances entourant ce drame sont si étranges qu’on craint qu’il s’agisse d’un meurtre et un détective de Montréal est même dépêché sur place pour tirer tout cela au clair.



Et c’est là que la presse à sensation entre en action.



Elle décrète qu’il s’agit bien d’un assassinat et désigne même un dénommé Blais comme le coupable.



Or, après l’interrogatoire du suspect et des témoins, après examen des lieux et du cadavre il devient évident qu’il s’agit d’un bête accident, M. Roy étant, pour une raison inconnue, tombé de sa voiture et s’étant blessé à mort.



Cette découverte donne au Canada Français l’occasion d’une longue diatribe contre les journaux à sensation de la grande ville qui n’hésitent pas à fouler les droits civiques des ruraux pour faire mousser leurs ventes.



À son avis, une sanction s’imposerait.




mardi 19 avril 2016

PREMIÈRE PORCELAINE




Bien que jouissant de la qualité de fleuron de l’histoire de Saint-Jean, l’industrie de la poterie y a connu un cheminement économique des plus mouvementés.

Prenons l’exemple de la St Johns Stone Chinaware Company.

Fondée au début des années 1870 par George Whitefield Farrar, il s’agissait de la première usine nord-américaine de porcelaine.

Jusque là, les Farrar s’étaient contentés de cuire des objets utilitaires en grès et voilà qu’ils voulaient explorer de nouveaux marchés.

Le capital manquait toutefois et rien ne serait arrivé si le financier johannais Edward C. Macdonald n’y avait pas investi 50 000$, une somme fort imposante pour l’époque.

Grâce à cette mise de fonds, Macdonald déplace rapidement Farrar et devient président de la compagnie en 1873.

Patatras!  Deux ans plus tard elle déclare faillite.

Peu disposé à se laisser abattre, Macdonald achète alors carrément la compagnie en payant le tout comptant, puis il la relance sans plus attendre, ouvrant une période ensoleillée d’une vingtaine d’années.

Au sommet de son activité, l’entreprise employait 400 ouvriers.

En janvier 1889, Macdonald décédait, mais sa compagnie était reprise par ses héritiers, héritiers qui ne semblent pas avoir eu le même sens des affaires.

En 1896, la décision est prise de vendre puisque qu’une entreprise potière française se montre intéressée.


La chose est si sérieuse que même le Canada français du 17 avril 1896 fait état du départ vers la France de l’héritier Alexander Macdonald, accompagné de son avocat E. Z. Paradis.
Émilien Zéphirin Paradis

La transaction se conclut pour une somme non divulguée, mais la situation est si grave qu’à peine deux ans plus tard la compagnie, incapable de rembourser ses créanciers, déclare faillite.

Une belle entreprise et une belle ambition viennent de périr.


mardi 12 avril 2016

SALUBRITÉ ET INTÉRÊTS PRIVÉS

Louis Molleur *



En 1868, Louis Molleur, ancien conseiller municipal à Saint-Jean et député libéral d’Iberville, à cette époque, fonde la Société permanente de construction du district d’Iberville


Sur les dix fondateurs, huit, dont Molleur, ont été ou seront conseillers municipaux ou maires de Saint-Jean à la fin du 19e siècle et au début du 20e


Félix-Gabriel Marchand, lui aussi fondateur et ancien conseiller municipal, sera aussi premier ministre du Québec de 1897 à 1900.


En 1871, Molleur et quelques-uns de ses associés achètent la Compagnie de l’aqueduc de Saint-Jean et, l’année suivante, grâce à leurs accointances au Conseil municipal, ils obtiennent le monopole de l’approvisionnement de Saint-Jean en eau.


Le contrat de cette franchise est adopté sous forme de loi par le gouvernement du Québec (40 Vict.  Ch.68) et précise que la compagnie doit, en échange de la concession de ce « droit et privilège exclusif », fournir à la ville de Saint-Jean et à ses habitants « une eau pure et saine », non-seulement pour les usages domestiques et les besoins en général, mais aussi pour la protection contre les incendies.


Mais il apparaît très rapidement que la compagnie ne respecte en rien ses obligations :  l’aqueduc est inefficace et n’apporte pas toute l’eau requise; celle-ci est par ailleurs malsaine et véhicule notamment des épidémies de typhus.

La prise d'eau est en effet située en aval de l'arrivée des eaux usées de Saint-Jean et d'Iberville...

À ces graves lacunes s’ajoutent la révélation de la situation de conflit d’intérêts dans laquelle sont empêtrés les Conseillers municipaux.


Pour redorer son image, la ville entreprend alors des procédures pour rescinder les privilèges de la compagnie, mais les procédures traîneront jusqu’en Cour suprême et il faudra attendre 1908 pour que le système judiciaire tranche finalement en sa faveur.


Ce n’est toutefois pas avant 1917 que la ville entrera en pleine possession de son système d'adduction d’eau.


Il aura fallu, entretemps, exproprier la compagnie et dédommager l’héritière de Molleur à hauteur de 112 000 dollars.


Peut-être faut-il comprendre qu’entre Libéraux on ne s’écharpait pas… 

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*Seule photo connue de Louis Molleur.  Elle a été publiée en 1977 par Lionel Fortin dans le Canada Français.  Nous l'avons colorisée.


mardi 5 avril 2016

VIEUX TRUCS...



Combien de fois avons-nous entendu dire que les Québécois étaient nés pour un petit pain, qu’ils n’avaient pas la « bosse des affaires », qu’ils étaient entièrement exclus du monde de l’économie et du commerce.

Eh !  Bien !  Nous voici en présence d’un contre-exemple.

Monsieur Adélard Bergeron, marchand général à Iberville, décide en 1901 qu’il lui faut attirer une clientèle renouvelée et plus abondante.
 
Pont Jones
Il annonce donc que son magasin de la 8e avenue, implanté tout juste en face du pont Jones, ne fera plus crédit à personne….
 
Canada Français, 5 avril 1901, page 8
Sachant toutefois qu’une telle nouvelle risque d’éloigner le chaland, il annonce en même temps qu’il pourra ainsi baisser le prix de ses marchandises.

N’assumant plus le risque du crédit, il pourra en faire profiter ses clients.

Des rabais intéressent tout le monde, c'est certain...
 
Puis, pour ne négliger aucun argument de vente, il signale sa qualité d’agent des grandes marques étrangères de matériel agricole.

Là encore, les importations vous ont une façon bien à elles de suggérer la qualité, la fiabilité, la durabilité...
 
Bref, il maîtrisait déjà, au début du siècle dernier, les grands trucs publicitaires encore en vogue de nos jours.

Peut-être M. Bergeron n'était-il pas né pour un si petit pain.