mardi 12 avril 2016

SALUBRITÉ ET INTÉRÊTS PRIVÉS

Louis Molleur *



En 1868, Louis Molleur, ancien conseiller municipal à Saint-Jean et député libéral d’Iberville, à cette époque, fonde la Société permanente de construction du district d’Iberville


Sur les dix fondateurs, huit, dont Molleur, ont été ou seront conseillers municipaux ou maires de Saint-Jean à la fin du 19e siècle et au début du 20e


Félix-Gabriel Marchand, lui aussi fondateur et ancien conseiller municipal, sera aussi premier ministre du Québec de 1897 à 1900.


En 1871, Molleur et quelques-uns de ses associés achètent la Compagnie de l’aqueduc de Saint-Jean et, l’année suivante, grâce à leurs accointances au Conseil municipal, ils obtiennent le monopole de l’approvisionnement de Saint-Jean en eau.


Le contrat de cette franchise est adopté sous forme de loi par le gouvernement du Québec (40 Vict.  Ch.68) et précise que la compagnie doit, en échange de la concession de ce « droit et privilège exclusif », fournir à la ville de Saint-Jean et à ses habitants « une eau pure et saine », non-seulement pour les usages domestiques et les besoins en général, mais aussi pour la protection contre les incendies.


Mais il apparaît très rapidement que la compagnie ne respecte en rien ses obligations :  l’aqueduc est inefficace et n’apporte pas toute l’eau requise; celle-ci est par ailleurs malsaine et véhicule notamment des épidémies de typhus.

La prise d'eau est en effet située en aval de l'arrivée des eaux usées de Saint-Jean et d'Iberville...

À ces graves lacunes s’ajoutent la révélation de la situation de conflit d’intérêts dans laquelle sont empêtrés les Conseillers municipaux.


Pour redorer son image, la ville entreprend alors des procédures pour rescinder les privilèges de la compagnie, mais les procédures traîneront jusqu’en Cour suprême et il faudra attendre 1908 pour que le système judiciaire tranche finalement en sa faveur.


Ce n’est toutefois pas avant 1917 que la ville entrera en pleine possession de son système d'adduction d’eau.


Il aura fallu, entretemps, exproprier la compagnie et dédommager l’héritière de Molleur à hauteur de 112 000 dollars.


Peut-être faut-il comprendre qu’entre Libéraux on ne s’écharpait pas… 

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*Seule photo connue de Louis Molleur.  Elle a été publiée en 1977 par Lionel Fortin dans le Canada Français.  Nous l'avons colorisée.


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