mardi 11 octobre 2016

L'ANTI-LAURIER


Naître à Henryville et mourir à Saint-Boniface n’a rien de banal.
Mais s’attaquer à Wilfrid Laurier quand celui-ci avait décidé d’abandonner les siens aux mains des Anglais racistes sort encore plus de l’ordinaire.
Voici l’histoire de Thomas-Alfred Bernier.
Thomas-Alfred Bernier
Né le 15 août 1844, Thomas-Alfred fait son cours classique au séminaire de Saint-Hyacinthe, haut lieu de l’ultramontanisme,   puis opte pour le droit et le journalisme, ce qui le met en contact avec Honoré Mercier, lui-même alors clerc d’avocat et journaliste.
Après s’être constitué une belle clientèle à Saint-Hyacinthe, il décide, en 1880, d’aller s’installer au Manitoba pour y pratiquer l’agriculture.
Mais, à peine arrivé et vu sa formation et ses qualités, il est nommé surintendant des écoles catholiques.
Ceci est loin d’être une sinécure puisque les Anglais du Manitoba, plus enragés que jamais, ont décidé d’éradiquer le fait français et catholique de la province et ils ne reculent devant aucune attaque, tracasserie ou brimade pour arriver à leurs fins.
Malgré l’appui de la hiérarchie catholique, Bernier s’épuise à la tâche d’écarter les avanies les plus sérieuses.
Rien n’y fait et, en mars 1890, le
Thomas Greenway
gouvernement de Thomas Greenway abolit le double système d’enseignement public confessionnel et interdit l’usage de la langue française au Parlement, dans les tribunaux et dans les documents officiels.
Par le fait même, Bernier perdait son emploi. 
Jusque là réfractaire à l’idée de se lancer en politique, il accepte néanmoins, en 1892, d’entrer au Sénat fédéral.
C’est que la situation politique est devenue particulièrement agitée, les Canadiens français - du Québec surtout - exigeant très bruyamment que justice soit rendue à leurs frères et sœurs de langue et de religion.
Wilfrid Laurier
Wilfrid Laurier, Canadien français d’origine mais parlant le français avec un accent anglais, est durement pris à partie par les électeurs.
Ceux-ci exigent qu’il désavoue la loi manitobaine et qu’il restitue les droits que la province s’était pourtant engagée à respecter en entrant dans la confédération canadienne.
Il est bien évident que Laurier n’aurait jamais osé s’en prendre à des dictats anglais, mais la pression était tellement forte qu’il a essayé une manœuvre de diversion, manœuvre que l’on appelle le compromis Laurier-Greenway.
Le stratagème permettait l’enseignement d’une langue autre que l’anglais... une demi-heure par jour, en fin de journée, dans certaines écoles dont la rareté égalait l’ineptie.
6 ans après l’adoption de la loi inique et inconstitutionnelle, Laurier accouchait de cette lamentable mascarade.
Pas plus que bien d’autres, le sénateur Bernier ne s’est pas laissé abuser par cette tartuferie et il multiplia, tant au Sénat que dans divers journaux, ses attaques contre ce Laurier capable d’abandonner aussi vilement son propre peuple.
De Henryville à Saint-Boniface, Thomas-Alfred Bernier n’avait rien perdu de sa lucidité.