mardi 25 avril 2017

L'ÉMIGRATION NOUS TUE



L'heure est grave.

En 1869, des villages entiers continuent de se vider de leurs citoyens, ceux-ci étant plus attirés par les usines textiles de la Nouvelle-Angleterre que par leurs champs épuisés et épuisants.

Le Québec subit une ponction démographique qui le mène tout droit à la catastrophe.

Le nouveau député libéral de Saint-Jean, Félix-Gabriel Marchand, se sent particulièrement interpelé par ces néfastes mouvements de population.

Dans le journal qu'il a fondé, le Franco-Canadien, il publie donc, au début avril,  un solide éditorial dénonçant cette marche vers l'extinction de tout un peuple.

On le voit, à Saint-Alexandre seulement, onze terres contigües sont à vendre, sans compter les autres plus dispersées.

Il continue : à Sherrington, 25 jeunes hommes - une bonne main d'oeuvre dont le Québec a cruellement besoin - quitte vers des lendemains qui semblent meilleurs.

À Saint-Valentin, le phénomène s'avère aussi puissant.  Dans une dernière tentative pour stopper l'hémorragie, le curé a célébré une messe spéciale dans l'espoir de retenir la cinquantaine de candidats au départ qui se sont déjà manifestés.  Sans succès.

Mais cette calamité ne se limite pas à la vallée du Richelieu : elle touche l'ensemble du Québec.

Et que fait le gouvernement  conservateur pour enrayer le fléau?


  Pourtant, les solutions paraissent évidentes : industrialisation du Québec et barrières douanières...

 Il faudra attendre Honoré Mercier et son sous-ministre, le curé Antoine Labelle, pour que les choses commencent à s'orienter dans cette direction.

mardi 18 avril 2017

DE VICTIMES À DANGERS PUBLICS.




De nos jours, les oies blanches sont tellement nombreuses et leur croissance démographique est si fulgurante que les biologistes du gouvernement reconnaissent avoir perdu le contrôle de la situation.

Même l’augmentation du nombre de prises que les chasseurs sont autorisés à prélever n’y fait rien et les oies blanches, par leur comportement grégaire et leurs criailleries perpétuelles, chassent même les bernaches de leurs territoires habituels.

En 1932, la situation est tout autre, car cet oiseau migrateur est considéré comme menacé de disparition et fait l’objet d’une protection transfrontalière entre les États-Unis et le Canada.

En ce mois d’avril, alors qu’on attend le retour
des oies quittant leur séjour du sud pour aller se reproduire dans les terres arctiques, la GRC est aux aguets.

Il s’agit en effet, à cette époque, de dissuader les chasseurs ou, du moins, d’arrêter et de sanctionner les contrevenants.

Des patrouilles de citoyens, regroupées sous l’égide de l’Association pour la protection du poisson et du gibier, se joignent d’ailleurs aux forces de l’ordre pour muscler la protection.

Tout ce branle-bas n’a pas échappé au Canada Français du jeudi 14 avril 1932.


mardi 11 avril 2017

VICTIME DE LA BANQUE SAINT-JEAN




Le dimanche 26 avril 1908, le citoyen de Napierville J.E. Girard prête 150$ au cultivateur Ephrem Berthiaume de L’Acadie.
 
Billet de 10$ émis par la banque. Le personnage représenté est Louis Molleur, fondateur de l'institution.

Ayant signé une reconnaissance de dette, M. Berthiaume reçoit un chèque de 150$ tiré sur la Banque de Saint-Jean, mais au lieu de l’encaisser dès le lendemain, il laisse traîner les choses jusqu’au mercredi 29 avril.


L. P. Roy
Très funeste omission, car ce mercredi 29 avril 1908, la Banque de Saint-Jean ferme ses portes, son président et ancien député libéral Philippe-Honoré Roy ayant détourné son capital au point de la pousser à la faillite.



Incapable de toucher son emprunt, Berthiaume demande à son créancier de détruire la reconnaissance de dette, ce qui lui est fermement refusé.


La chose échoue finalement devant le juge Monet à la cour supérieure et Berthiaume perd totalement sa cause.


Le magistrat estime en effet qu’il a fait preuve de négligence puisque, d’après la jurisprudence anglaise, un chèque doit impérativement être encaissé au plus tard le lendemain de sa date d’émission.


L’article relatant cet épisode est paru dans le Canada Français, du 23 avril 1909.


Or, dans l’édition de la semaine suivante, le 30 avril, on pouvait lire ceci :


mardi 4 avril 2017

GRANDE ÉMOTION


Carte tirée de la revue militaire canadienne - Printemps 2001


La grande île d’Anticosti, sise à l’entrée du golfe Saint-Laurent, aura décidément connu une histoire mouvementée.

Concédée au célèbre Louis Jolliet en 1680, elle aura entraîné au cours des années la ruine de nombreux pêcheurs, chasseurs ou bûcherons et autres entrepreneurs.

Henri Menier
En 1896, l’illustre chocolatier français Henri Menier l’achète afin de la transformer en site international et huppé de chasse et de pêche.
Célèbre affiche du chocolatier

Après sa mort, les héritiers Menier la vendent, en 1926, à la  papetière Wayagamack, laquelle éprouve elle-même des difficultés et met à son tour l’île en vente en 1937.

En 1937, l’Allemagne se prépare manifestement à une nouvelle guerre.

Or, un groupe de soi-disant investisseurs forestiers hollandais – servant en fait de prête-noms au gouvernement allemand – présente une offre d’achat de toute l’île.

Le premier ministre Maurice Duplessis saisit tout de suite l’enjeu stratégique de cette transaction qui donnerait aux troupes hitlériennes une base avancée directement dans la porte d’entrée du continent nord-américain.

Il fera tout pour bloquer le marché et finalement l’offre d’achat arrivera à terme, en 1939,  sans avoir été retenue.

La classe politique poussa un soupir de soulagement, mais toute cette histoire passa presque totalement sous les radars de l’opinion publique.

Le Canada français du 2 avril 1942 se chargera de susciter une émotion à retardement.



Dans une chronique signée « L’illettré », le rédacteur se demande :  « Quelles bases navales et aériennes ne pouvaient s’établir à Anticosti, à l’entrée du fleuve Saint-Laurent, entre la côte nord et la péninsule de Gaspé? »

De quoi s’offrir un petit frisson rétrospectif et supplémentaire en pleine guerre mondiale…